brouillon

Mise sur orbite

Monter sur le Ring c’est accepter de se confronter à la réalité. C’est prendre un sujet d’actualité et l’étudier sous tous les angles pour le juger, à l’aune des règles que nous avons fixé. Comme nous pouvons prendre un aliment en main et nous interroger sur sa soutenabilité, nous devons juger de tout ce qui se fait autour de nous et nous impacte. C’est un peu fastidieux, mais plus on se livre à l’exercice, plus on est affuté et plus on va vite à décrypter, pour peu que nous ayons quelques clefs.
Prenons par exemple cette semaine une information passée discrètement : le lancement par la France d’un satellite militaire. Pour se faire une opinion il faut dépasser l’entrefilet de France info le jour du lancement se contentant d’en annoncer la réussite en relayant sans contraste le communiqué officiel, à savoir que c’est un « bijou technologique ». Démarrons avec cet article du Monde, journal qualifié jadis de journal de référence et aujourd’hui détenu par 2 milliardaires et un millionnaire, ce qui donne forcément un biais dans le traitement de l’information. Ainsi cet article qui se veut factuel, basé sur une dépêche AFP reflète sans remise en question notre appartenance à l’élite mondiale et conclut que nous sommes toujours « dans la course ». Cette métaphore anodine est en soi très révélatrice d’un conditionnement du lecteur, d’une acceptation tacite des règles néolibérales qui nous régentent. Car rester dans la course est une donnée, un présupposé. Ça ou être amish. Nous qui sommes sixième puissance mondiale,  même si on se fait grignoter chaque année, il faut nous battre avec les armes du capitalisme que nous avons largement diffusé sur la planète et qui nous permet de vivre très au dessus de nos moyens et de ladite planète. Rappelons que si tous les pays avaient le même train de vie que nous, pays occidentaux, il faudrait au moins 10 planètes Terre. Ne pas remettre en question cette course que d’aucuns qualifient de « théorie de la reine rouge » nous a conduit où nous sommes. Plus d’eau, d’énergie, de terre, d’air, d’égalité sociale… C’est sûr il faut continuer de courir, vers le transhumanisme, la 5G, le transverse, les cités « intelligentes », les voitures électriques autonomes etc. Sinon nous perdrons la course. Mais face aux crises qui sont les cordes du Ring*, courir nous mène à notre perte.
C’est toujours pour rester dans la course que Macron a annoncé démocratiquement la semaine dernière son plan magique 2030. Même si on sait que ces plans ont pour seul objectif de montrer que les présidents ne font pas du sur place, même si ces plans ne sont pas financés et qu’ils ne se concrétisent jamais, ça occupe toujours l’espace médiatique. Nous allons faire une croix sur la transition écologique pour rester dans la course technologique, investir dans des EPR et des SMR, dans l’intelligence artificielle au risque sinon d’être distancés et de devenir les chimpanzés du futur.
Ce satellite et son environnement (400 stations capables de communiquer avec S4 depuis le sol, un aéronef, un navire ou un sous-marin, selon la DGA) nous a coûté 4 milliards, chiffre à prendre avec des pincettes car c’est celui des militaires, repris sans contrôle par le Monde. Admettons-le. C’est déjà une coquette somme. Ruffin dit dans la vidéo sur l’AAH (reprise dans la revue de presse de la semaine) qu’il faudrait 800 millions par an pour que les Handicapés aient une allocation autonome. 5 ans d’autonomie contre un satellite sitôt lancé sitôt obsolète. Comme nous parlons d’un financement pluriannuel qui a démarré en 1981, on peut imaginer que le transfert de ce puits sans fin vers un poste social permettrait de résoudre une criante injustice. Que d’intelligence indéniable chez Thalès et consorts déployée pour ce gadget spatial qui nous serait bien utile pour répondre aux défis d’aujourd’hui, alors qu’on les imagine déjà en train de plancher sur la cinquième génération. Nos militaires pourront s’envoyer des informations secrètes quand le scandale Pegasus nous rappelle (on avait déjà Enigma en 1940) que tout le monde espionne tout le monde et que le cryptage est un leurre.
Aucune information sur la durée de vie du satellite avant qu’il ne rejoigne le cimetière spatial des tapis de course cassés de la reine rouge ? Sans doute une dizaine d’année à en juger par la génération précédente, Syracuse 3 (coût entre 2 et 3 milliards), déployée entre 2005 et 2015. Nous devons être très humbles sur ces questions militaires, ces milliards dépensés en pure perte, ce grand écart entre des dépenses en haute technologie, dont les armes nucléaires, et une armée de métier qui rafistole le matériel courant, qui prend des pièces détachées sur des avions (cloués au sol du coup) pour en réparer d’autres. Il faut qu’on rattrape notre retard sur les missiles hypersoniques maintenant (les trois premiers du classement sont sur le coup, la Russie a une avance d’une dizaine d’années, les chinois viennent de procéder à un  essai), ce serait ballot que l’un d’eux vienne détruire notre bijou pensé pour la guerre d’avant qui ne saurait éviter un missile plus rapide que ceux qu’il sait anticiper. Vite un missile anti missile 5G à inventer. Et un nouveau porte avions nucléaire parce que l’ancien passe plus de temps en cales sèches qu’en mission. On reste sur un article du Monde pour montrer comme pour le satellite la totale complaisance des journalistes pour la grandeur militaire de la France. Il sera plus lourd, plus long, plus fort… et plus cher, entre 4 et 5 milliards, si on ne joue pas de malchance comme avec son prédécesseur (chapitre 2.3). ou les EPR.
Avec tout ça on ne sait plus faire les armes de poing, fin de la souveraineté terre à terre maintenant que nous avons la tête dans les étoiles. pourvu que nos ennemis de demain soient dans l’hyper technologie et pas dans le combat rapproché…
Rien dans cet article sur le coût écologique et social de ce satellite et de son monde alors que TOUT ce que nous faisons devrait aujourd’hui être abordé sous ce double prisme. Combien d’énergie, de métaux et terres rares, d’émission de CO2 pour le lanceur Ariane 5, le satellite, les stations, les avions dédiés etc ?
Et où est l’Europe dans tout ça ? Comment se fait-il que ce projet soit porté par la France (avecun peu d’Italie sur la génération précédente, un peu de Belgique ce coup là) et non par cette grande Europe de la Défense ? L’Europe dépense plus pour se protéger des réfugiés nous apprend Jean Ziegler dans son dernier livre que pour une défense commune, pourtant argument majeur de l’orwellien « l’Europe c’est la paix »
Et où est la

Alors forcément quand nous entendons ce lancement satellitaire nous regrettons de ne pas avoir eu à donner notre avis. Démocratiquement. Parce qu’avec nos crtitères