Une série de billets sur les changements radicaux qu’il faudrait opérer pour sortir des crises en cours et à venir. Le format de ces billets rend l’exercice périlleux car succinct et suppose approfondissement. C’est pourquoi nous proposons des liens et des livres. Les thèmes de cette suite de billets se prêtent à l’exercice de la page blanche avec trois questions :

  1. Que savez-vous de … ? Qui interroge le niveau de connaissances.
  2. Imaginez un monde sans. Qui amène à décoloniser son imaginaire.
  3. Comment y parvenir ? Qui dépasse le stérile « ça ne marchera jamais » .

La propriété privée

  1. Qu’est-ce que la propriété privée ? La page wiki est plutôt maigre, elle oblige à rebondir vers d’autres liens. Usus, fructus et abusus. Mill, Marx, Proudhon,  Babeuf… Enclosures et biens communs. Des sites à fouiller comme Révolution française ou celui de Paul Jorion. Droits  des animaux, guerres colonisatrices et d’appropriation, le champ économique et de la propriété intellectuelle. Etc. Il y a de quoi faire mais c’est le prix d’un avis éclairé. Quels problèmes pose la propriété privée ? Depuis la nuit des temps dans les sociétés patriarcales la femme est propriété de l’homme, « jusqu’à ses entrailles » disait le code Napoléon. 6 femmes sont tuées chaque heure dans le monde par leur mari, sans parler des violences conjugales (et sur les enfants) le tout légitimé par la propriété. 1% de la population mondiale est propriétaire de 50% des richesses avec une accumulation et une inégalité croissante. Une trentaine de familles possèdent la totalité des médias français entrainant un manque de pluralité, une pensée dominante et une « circulation circulaire de l’information » (Bourdieu). L’accession à la propriété privée de son logement est la principale cause de notre soumission, l’emprunt avec intérêt asservissant plus sûrement qu’une chaîne. La propriété dans une société de consommation génère des frustrations poussant à l’accumulation et dans des cas extrêmes à des violences d’appropriation. La logique du toujours plus sans limite entraîne des inégalités croissantes, du gaspillage de ressources où le bien remplace le lien, donc une perte de sens. L’abusus (droit à disposer d’une chose) conduit à la dégradation, la destruction voire la disparition du vivant. Posséder toujours plus en maintenant ceux qui n’ont rien dans la misère et en pillant leur ressources, tel est en creux le visage du capitalisme propriétaire. Luxe ostentatoire et  obsolescence programmée en prime.
  2. Peut-on imaginer un monde sans propriété privée ? Posons quelques pistes. Dans la sphère privée on aurait une propriété d’usage ou de suffisance sans abusus (« Tout ce qu’on a au-dessus de la suffisance est le résultat d’un vol. » disait Proudhon) en privilégiant les communs (pourquoi posséder une perceuse qui ne sert qu’une fois par an ?). Il n’y aurait plus de rente (plus de propriétaire privé louant un bien à un autre homme) ni d’héritage, base de l’inégalité. Dans la sphère professionnelle c’est la disparition de l’enrichissement, de l’accumulation de capital en exploitant le travail d’autrui. Nul homme ne travaille pour un autre mais uniquement pour soi et la collectivité. Les coopératives remplacent les sociétés capitalistiques. Nul homme n’est propriétaire du vivant et de l’environnement, bien commun dont nous sommes dépositaires. Un laboratoire ne pourrait s’enrichir sur la santé en survendant des vaccins, biens immatériels de l’humanité.
  3. Comment y parvenir ? Prenons le logement, propriété privée par excellence, réalité pour 40% des français, en cours d’accession pour 20% et rêve inaccessible pour beaucoup. Le logement est un besoin primaire, à valeur constitutionnelle puisque garantissant une sécurité matérielle. Nous subissons depuis des décennies une crise du logement (manque, insalubrité, cherté, passoire énergétique) aiguisée par la spéculation, le vieillissement et l’accroissement de la population, les modifications de mode de vie dont le rêve pavillonnaire, la désertification des villes moyennes au profit des mégalopoles… La crise écologique rend impossible la fuite en avant quand la guerre des générations apparait, avec des jeunes qui n’ont rien et un avenir incertain face à des vieux qui ne lâchent rien. L’habitat partagé avec communs en propriété d’usage sans héritage ni sous-location parait une bonne piste. A rapprocher de la démocratie participative. Nous ne sommes propriétaires de rien, de passage, héritiers et transmetteurs d’une planète dont nous rendons compte aux générations futures. Nous sommes locataires, supposés faire au mieux pour tendre au bonheur commun. Vraiment ?

 

La démocratie

Qu’est-ce que la démocratie ? La fiche Wikipédia est assez exhaustive.
Où l’on voit qu’en réalité si nous sommes en démocratie c’est une certaine forme dite représentative et encore partielle puisque nous n’élisons pas tous nos représentants, comme les sénateurs ou le membres du gouvernement, sans parler des chefs de cabinet élyséen ou ministériels. Nous élisons des députés qui se révèlent des godillots de partis politiques sans réel pouvoir devant le monarque républicain et les lobbies de tout poil. On trouvera sans doute quelques exceptions qui confirment la règle mais un député doit allégeance à son parti. Lire Simone Weil, Note sur la suppression générale des partis politiques.
Ce système représentatif voit une classe dirigeante ne représenter qu’elle-même avec un système électoral biaisé. C’est une question  complexe que le mode d’élection, on le voit un peu en ce moment avec la question de l’introduction d’une « dose » de proportionnelle dans les régionales. Le peuple se verrait imposé par un président autocrate un changement conséquent sans avoir son mot à dire, comme dans les référendums biaisés ou cette mascarade de consultation citoyenne sur le climat. Nous sommes donc au mieux une démocratie représentative, format choisi par les constituants de la révolution française qui se considéraient comme les représentants éclairés du peuple, suivant la formule de l’Abbé Sieyès. Constituants issus de classes dominantes qui craignaient qu’un peuple ignare prenne le pouvoir et abolisse leurs privilèges. On peut considérer que la révolution française a échoué sur deux points majeurs : la démocratie directe chère à Rousseau et l’abolition de la propriété privée (autre billet). Nous pouvons aussi nous arrêter sur la définition d’Abraham Lincoln sur la démocratie : «  »Gouvernement du peuple, par le peuple et pour le peuple ». Nous reposons sur ce mensonge depuis plus d’un siècle. Alexis de Tocqueville ajouta à cette forme de gouvernement une forme de société ayant pour valeurs l’égalité et la liberté et c’est avec cette bannière que les états dits démocratiques ont colonisé le monde,  diabolisant leurs opposants.
Démocratie partiellement représentative donc mais tout autant bureaucratie, ploutocratie, oligarchie, monarchie républicaine, autocratie et j’en passe. Lire par exemple Hervé Kempf Comment les riches détruisent la planète.
Nous sommes dans un état pré-démocratique, un embryon de démocratie sans qu’il soit certain que nous y parvenions un jour. Il faudrait pour cela que les citoyens prennent part à la politique, à commencer par celle de leur cité, avec démocratie représentative, démocratie directe, tirage au sort, référendum, le tout devant être débattu en agora citoyenne. Nous n’y arriveront pas sans remettre en question notre mode de vie et le travail (autre billet) qui nous accaparent et justifient  notre abjuration. Nous sortons une fois tous les 5 ans de notre prison dorée pour élire un  président (100% hommes) et un député (60% hommes), et une fois tous les 6 ans  pour élire un maire (80% sont des hommes…) Et le reste du temps nous laissons toute latitude aux politiques sensés nous représenter pour faire ce qu’ils veulent sans aucun moyen légal de nous faire entendre. « Passé les élections nous redevenons esclaves » (Rousseau) . Lire La Boétie  Discours de la servitude volontaire
Cette semaine un  rapport reconnait à la France presque 30 ans après les faits une responsabilité écrasante dans le génocide rwandais. Servier est condamné après 10 ans d’évitement à 2,7 misérables millions d’amende pour le Médiator. Ces deux dossiers prouvent s’il le fallait, quand on prend la peine de les décortiquer, que nous ne sommes pas en démocratie. Qui reste une belle utopie.